mardi 17 avril 2007

Sermon du 06 avril 2007 - Vendredi Saint

Vendredi Saint Luc 23.46

Châtenay-Malabry 06.04.2007

« Alors Jésus poussa un grand cri :
"Père, je remets mon esprit entre tes mains !"
Après avoir dit ces mots, il mourut. »
(trad. « Colombe »)

« Jésus cria :
"Père, je remets mon esprit entre tes mains !"
Après avoir dit cela, il expira. »
(trad. « NBS »)

Chers amis … – en deuil … ou en fête ?

Aujourd’hui, se termine en apothéose le temps liturgique des six semaines de la Passion. Ces six semaines, nous les avons passées au chevet d’un condamné à mort, au chevet d’un mourant, au chevet de personne de moindre que… le Fils de Dieu lui-même !

Les dernières paroles d’un mourant ont une importance particulière, même si elles ne constituent pas un testament en bonne et due forme : on fait attention à tout, on se les grave dans la mémoire, on « les repasse dans son cœur », on « les retient et y réfléchit », comme Marie l’a fait avec les paroles de l’ange (Lc 2.19).

On « repasse » surtout « dans son cœur » les toutes dernières paroles qu’un mourant nous a adressées, un peu comme son dernier legs. Elles donnent un éclairage particulier à son décès, à son départ.

Voilà pourquoi on passe le Temps de la Passion à écouter, à peser, à méditer ses derniers actes, ses derniers gestes, ses dernières paroles.

D’où la place toute particulière des sept paroles de Jésus en croix. Par exemple : « Mon Dieu ! mon Dieu ! Pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 26.46) Quel terrible lumière, ces paroles jettent sur sa mort !

Cette autre – « Tout est accompli ! »« Tout est achevé ! » (Jn 19.30) – jette déjà une lumière plus réjouissante sur sa mort.

Qu’en sera-t-il de sa dernière parole, de celle que nous allons méditer aujourd’hui, où


« Jésus cria :
"Père, je remets mon esprit entre tes mains !"
Après avoir dit cela, il expira. »



C’est à la lumière de cette dernière parole du Christ que nous voulons méditer sa mort aujourd’hui.


LA MORT DE JESUS

1. une sortie triomphale de la mort
– pour lui – et pour nous !

2. une entrée glorieuse dans le Paradis
– pour lui – et pour nous !



***** 1 ******

La mort de Jésus est
d’abord une sortie triomphale de la mort
– pour lui – et pour nous !


Il y a une chose qu’on oublie trop souvent, tant le spectacle de la crucifixion en lui-même était déjà assez atroce, c’est qu’à la croix, Jésus se trouvait en fait dans l’abîme de l’enfer.

Les souffrances physiques qu’il a endurées sur la croix étaient infiniment pires que le mal des tortures physiques.

Dans l’empire romain, il y en a eu malheureusement d’autres – des milliers d’autres ! – à avoir connu cela, et peut-être pire. Leurs souffrances – leur agonie sous la torture : car la crucifixion était une torture (une mort par asphyxie) ! – n’ont pas pour autant été suffisantes aux yeux de Dieu, ni pour expier leur propre culpabilité devant lui, ni – et encore moins – pour expier les péchés du monde entier.

Mais dans le cas de Jésus, les souffrances ont atteint un tel degré d’horreur que personne n’aurait supporté le spectacle du châtiment infernal pour les péchés de l’humanité. Aussi Dieu a-t-il « tiré le rideau », pourrait-on dire. Ou pour parler avec les Evangiles : « Il y eut des ténèbres sur toute la terre de la sixième heure [midi] jusqu’à la neuvième heure [trois heures de l’après-midi]. » (Lc 23.44)

C’est ainsi que « Christ nous a rachetés de la malédiction de la Loi, étant devenu malédiction pour nous, car il est écrit : "Maudit est quiconque est pendu au bois !" » (Ga 3:13)

Dimanche après-midi, je me suis promené au Plessis-Robinson, autour de l’énorme chantier de construction. Sur un parking, il y avait un panneau pour une place réservée aux handicapés. Y était écrit (cela s’adresse bien entendu aux bien-portants) : « Si tu veux ma place, prends aussi mon handicap ! »

Je n’ai jamais vu sur une telle place réservée quelqu’un attendre un handicapé pour lui dire : « Donne-moi ton handicap et va te garer avec les bien-portants ! » Pourtant, c’est ce que Jésus a fait avec nous !

Jésus a pris nos péchés sur lui et s’est fait damner, maudire, à notre place, pour nous éviter ce terrible sort.

C’est ce qui explique son « cri » sur la croix : « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Là il a été « jeté dans les ténèbres du dehors » où il y a « des pleurs et des grincements de dents», comme il a lui-même décrit, un jour, la situation en enfer (Mt 8:12).

Dans la description qu’il en donne dans la scène du Jugement Dernier, il dit qu’en enfer on est
« maudit loin de Dieu », « dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges » (Mt 25:41), « préparé » aussi pour nous les pécheurs impénitents et incroyants (voyez la parabole de l’homme riche et de Lazare). !

Mais Jésus a tenu bon dans ces horribles souffrances :

Nulle trace d’impatience ou de découragement, alors qu’il est en train de toucher le fond de l’horreur pour nous.

Il ne recourt pas non plus à des moyens non permis, non appropriés, pour s’en sortir (n’est-il pas Dieu, et n’aurait-il pas facilement pu envoyer tout promener – mais nous aussi par la même !) ?

Non, il ne se révolte pas contre ce qui se passe : lui, « le juste », meurt « pour » nous, « les injustes » ! (1 P 3.18) Faut-il qu’il nous aime ! Faut-il qu’il tienne à nous sauver !

Et il a réussi. Il a tenu bon au milieu de l’horreur indescriptible. Il a tenu jusqu’à ce qu’il ait pu lancer son cri de victoire : « Tout est accompli ! »« Tout est achevé ! » (Jn 19.30) – « J’ai réussi ! – ça y est ! c’est derrière moi ! »

Que s’est-il passé en fait ?

Voyez-vous, dans la mort, l’âme – ou l’esprit – se sépare du corps. Bien des textes de la Bible le disent. Par exemple l’histoire du prophète Elie (dans l’Ancien Testament), ou celle de la mort d’Etienne (dans le Nouveau).

Mais Jésus ne subit pas cette séparation de l’âme de son corps : il la dirige, la gère, la conduit : « Père, JE remets mon esprit entre tes mains ! »

Sa mort est un acte volontaire. Ce n’est qu’après en avoir pris la décision qu’« il expira » (Lc 23.46). Ce n’est qu’une fois sa mission « accomplie » qu’« il rendit l’esprit » (Jn 19.30). Là, son corps inerte, sans vie, pendait alors à la croix, mais son âme était maintenant « entre tes mains du Père » « au Paradis » (Lc 23.43).

Avec ces mots « Père, je remets mon esprit entre tes mains ! » il tourne définitivement le dos aux souffrances de l’enfer. Il est maintenant sorti du tunnel, définitivement hors d’atteinte de l’enfer. Bien plus, il a vaincu l’enfer pour toujours

C’est vraiment une bonne nouvelle – de l’Evangile pur ! – pour nous : le Père est satisfait du prix que son Fils a payé pour nous : la rançon que Jésus a versée, le montant et l’atrocité des souffrances endurées sont tels que la justice de Dieu est satisfaite : sa grâce et son amour remplacent maintenant sa colère et son exigence de réparation de notre part.

Mission accomplie à la satisfaction du Père, Jésus peut l’aborder maintenant dans un esprit apaisé : « Père ! » l’appelle-t-il : il n’a jamais rompu le lien d’amour filial avec lui.

La mort de Jésus n’est donc pas signe de malheur mais de réussite et de victoire, de bonheur pour l’humanité.

Le mieux est sans doute de comprendre son dernier cri comme le claquement de la porte de l’enfer, ou comme le bruit du verrou qu’il a poussé énergiquement pour la fermer définitivement aux croyants !

Lui s’est sorti de l’enfer, non seulement pour lui, mais en terrassant l’enfer, il le maintient également loin de ceux qui lui font confiance.

« Il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont à Jésus-Christ ! » jubilons-nous avec l’apôtre Paul (Rm 8.1) :

« Plus de condamnation », donc plus d’enfer pour ceux qui, comme l’un des deux larrons crucifiés avec Jésus, se repentent de leur péchés et font confiance à la mort expiatoire de Jésus !

Comme Jésus s’est laissé rejeter en enfer pour toi, tu n’as plus besoin de craindre que Dieu pourrait encore t’y envoyer et t’y abandonner. Cela, il ne le peut et ne le veut plus, pour l’amour de son Fils. Il ne peut plus te rejeter et t’abandonner – et ne le veut plus – ni dans ta vie présente (quoi que tu puisses parfois ressentir) ni dans ta mort (quelles que puissent être les apparences) !

N’oublie pas : ce n’est pas pour lui mais pour toi qu’il a fermé l’enfer ; c’est pour toi qu’il a ouvert le ciel !

car


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La mort de Jésus est
ensuite une entrée glorieuse dans le Paradis
– pour lui – et pour nous !


« Père, je remets mon esprit entre tes mains ! »« Les mains du Père », ce n’est rien d’autre, en fait, que « le paradis » céleste.

« Les mains de Dieu ! » Quelle belle image ! quelle vérité rassurante ! Dieu nous entoure de ses bras, des bras de quelqu’un qui est éternel et tout-puissant, des bras dont personne ne peut nous arracher !

« Les mains du Père » nous font sentir l’étreinte paternelle : on s’y sent aimé, choyé, en sécurité. Voilà ce qu’est le Paradis, tout le contraire du rejet et de l’abandon dans le terrible enfer.

C’est dans ce « Paradis » que Jésus est entré par sa mort.

C’est ce qu’il annonce avec ses dernières paroles : « Père, je remets mon esprit entre tes mains ! » Quel départ de fête ! Quel soulagement et retournement de situation après avoir dû se débattre dans les souffrances de l’enfer ! Quelle merveilleuse lumière après les angoissantes ténèbres !

Les souffrances du Christ nous bouleversent : A cause de nous il a connu l’Enfer, des souffrances et une horreur qui dépassent nos connaissances et nos expériences, des souffrances et une horreur qui dépassent tout ce que nous pouvons décrire avec le langage de ce monde

Mais nous trouvons aussi la paix dans ses souffrances. Elles nous rassurent sur notre propre sort. Elles sont une ouverture sur un au-delà merveilleux. Car Jésus a réussi à se frayer un passage à travers la mort et l’enfer vers le Paradis céleste, et cela non seulement pour lui, mais aussi pour nous.

Il est vrai : nous sommes tout soulagés de voir que celui qui nous a aimés plus que sa vie sort vainqueur de cette lutte infernale. Cela nous touche d’autant plus qu’il porte sa réussite à notre crédit, qu’il nous fait partager les bienfaits de sa victoire.

De nombreux croyants en ont déjà profité dans le passé.

Ainsi, dans l’histoire sainte, « le malfaiteur » repentant sur la croix. A son humble prière : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton royaume ! » Jésus lui répondit : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, tu seras avec moi dans le
Paradis ! » (Lc 23.42-43)

Mais il y a aussi « Etienne » qui a prié, alors qu’on était en train de le tuer à coups de pierre :
« Seigneur Jésus, reçois mon esprit ! » (Ac 7.59)

Et parmi nos connaissances, combien n’avons-nous pas vu nous précéder déjà dans le Paradis céleste où Jésus les a accueillis comme le larron dès le moment où leur esprit a quitté leur âme ?

C’est là la consolation et le réconfort que la liturgie luthérienne nous apporte quand nous sommes devant la tombe d’un proche et que le pasteur cite cette parole entendue du ciel par l’apôtre Jean dans l’Apocalypse : « Heureux dès à présent ceux qui meurent dans le Seigneur [c.à.d. unis au Seigneur] ! » (Ap 14.13) Sa mort a été un départ hors d’atteinte de l’enfer, sa mort a été une entrée glorieuse dans le Paradis.

« Heureux » serons-nous lors de notre décès, parce que « unis » par la foi « au Seigneur », nous échapperons à l’enfer et rejoindrons notre Sauveur dans son Paradis éternel !

Pour conclure : Vendredi Saint, jour de malheur ou jour de chance, jour de deuil ou jour de fête ?

Grâce à Jésus, nous pouvons clamer très fort : Jour de joie et de délivrance ! Jour de liesse et de soulagement ! Jour de certitude et d’espérance éternelle !

Merci, Seigneur Jésus, de m’avoir épargné ce que j’avais mérité à la place !

Amen.

Jean Thiébaut Haeissg
(11 233)



Chants :

O monde, viens, contemple […]
ton Rédempteur en croix LlS 91 : 1+4–6

Quelle douleur saisit mon coeur LlS 94 : 1–6

Seigneur Jésus, tes blessures LlS 97 : 1+3–6

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