lundi 2 juillet 2012

Sermon du Dimanche 1 Juillet 2012


4ème Dimanche après la Trinité

Gn 50.15-21

                                              
Chants proposés :
Tout pénétrés de ta grandeur immense            LlS    18:1-5
Je chanterai, Seigneur, sans cesse ta bonté      LlS    22:1-4
Dieu de paix, Dieu de charité,                             LlS 268: 1-6
Jésus-Christ, dans sa grâce,                                  LlS 164:1-13


15   « Quand les frères de Joseph virent que leur père était mort, ils se dirent : "Si Joseph nous prenait en haine et nous rendait tout le mal que nous lui avons fait !"
16    Et ils firent dire à Joseph : "Ton père a donné l’ordre suivant, avant de mourir :
17    ‘Voici ce que vous direz à Joseph : Oh ! Pardonne le crime de tes frères et leur péché, car ils t’ont fait du mal !’ Pardonne maintenant le crime des serviteurs du Dieu de ton père !’" Joseph pleura à l’écoute de leur message.
18    Ses frères vinrent eux-mêmes se jeter à ses pieds et dirent : "Nous sommes tes serviteurs !"
19    Joseph leur dit : "N’ayez pas peur ! Suis-je en effet à la place de Dieu ?
20    Vous aviez projeté de me faire du mal, Dieu l’a changé en bien pour accomplir ce qui arrive aujourd’hui, pour sauver la vie à un peuple nombreux.
21   Désormais, n’ayez donc plus peur : je pourvoirai à vos besoins et à ceux de vos enfants." C’est ainsi qu’il les réconforta en parlant à leur cœur. »

Chers frères et sœurs en Christ, notre Seigneur !
Les prédications portent souvent sur l’attitude de Dieu envers nous, sur son abaissement vers nous, sa sollicitude envers nous. Nous parlons aussi souvent de la Parole de Dieu et de son rôle sanctificateur dans l’activité de Dieu parmi nous.
Le texte d’aujourd’hui parle de la façon dont nous vivons ensemble, dont nous nous comportons les uns avec les autres.
Dans nos chants, nous parlons souvent des aspects merveilleux de l’Eglise de Dieu, de sa mise à part dans le monde, des riches promesses que Dieu lui fait et de l’espérance de la vie éternelle où notre gloire sera parfaite. Alors l’Eglise sera une Eglise victorieuse et triomphante.
Force est cependant de reconnaître que nous vivons encore dans une Eglise, dont les paroisses présentent encore bien des côtés humains, des aspects bien trop humains. Sur terre et sous la croix, nous sommes une Eglise militante, qui doit non seulement se battre vers l’extérieur, mais souvent aussi se démener avec des problèmes internes, qu’ils soient financiers ou relationnels.
Dans cette perspective, l’histoire de Joseph et de ses frères, bien que remontant à quelque 3 700 ans, est tout sauf anachronique : elle pourrait se dérouler aujourd’hui.
Bien sûr, concrètement, prioritairement, elle parle de Joseph et de ses frères, mais son actualité s’étend jusqu’à nous. Avec cette histoire, Dieu tend ses mains vers nous.
L’histoire de Joseph s’étend sur 13 chapitres du livre de la Genèse : les chapitres 37, puis 39 à 50. Il ne peut donc être question de la résumer ici. D’ailleurs la trame qui la traverse est mentionnée dans notre texte.
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Son cadre est la famille nombreuse. Il y a le père, le chef de famille. Face à lui douze fils et des filles qui lui étaient soumis. Par contre, les rapports entre les fils ne vont pas de soi, loin s’en faut.
Joseph est l’avant-dernier des douze frères : il devrait donc être conscient de sa place dans la fratrie, vis-à-vis de ses aînés. Il n’en est rien : Joseph a des rêves de grandeur, de suprématie même, où ses frères doivent s’incliner devant lui. Pensez-vous que cela facilite leurs relations ?
En plus, le père a une méthode d’éducation qui ne peut que mener à la catastrophe : il a une préférence pour Joseph, c’est son favori, et le père ne le cache pas. Il l’habille plus richement que les autres. Là, c’en est trop pour ses frères. « Ils se mirent à le détester. Ils étaient incapables de lui parler sans agressivité. » (Gn 37.4) Et voilà que de sombres nuages montent à l’horizon, les nuages de la jalousie et de la haine, viennent les recouvrir.
Et ces noires pensées vont bientôt se transformer en noires actions. Les frères décident de se débarrasser de ce crâneur de frère. Oh, ils abandonnent vite le projet de le tuer : ils « se contentent » de l’expédier au loin.
Cette façon douloureuse de se débarrasser de personnes indésirables a toujours cours aujourd’hui. Elle est même particulièrement prisée et pratiquée par certains régimes politiques.
L’histoire sainte pullule de ce genre de déplacements de personnes. Depuis la destruction de Samarie par les Assyriens, le peuple d’Israël a été souvent déplacé : en Assyrie, à Babylone, plus tard à travers tout l’Empire romain. Et même là, on apprend dans le Nouveau Testament, qu’ils ont dû, comme Aquilas et Priscille, quitter Rome où on n’en voulait plus un certain temps.
Le déplacement de personnes indésirables se fait souvent sous le couvert de la justice, d’un prétendu intérêt général : ce peut être une mutation imposée au travail, l’exil de responsables politiques d’opposition, etc.
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C’est au moment où les frères de Joseph veulent se débarrasser de lui que l’histoire de Joseph démarre vraiment. A partir de cette décision des frères, l’histoire de Joseph change souvent brusquement d’orientation du tout au tout.
Lui, le favori d’un père immensément riche, se retrouve esclave. D’esclave, il devient intendant du riche Potiphar. De cette position en vue il se retrouve en prison pour quelques années. Et de prisonnier il se retrouve premier ministre de Pharaon !
Il devient vraiment un Grand, comme il en avait rêvé, un Grand devant qui les autres doivent s’incliner.
Remarquez cependant : il ne devient pas un Grand pour dominer sur eux, mais pour leur venir en aide dans leurs grands besoins. Il devient Seigneur et Aide en même temps. Seigneur et Sauveur pour les Egyptiens : il leur permet de surmonter une terrible période de famine. Seigneur et Sauveur aussi pour la famille de son père, y compris pour les familles de ses frères : il les fait même tous venir en Egypte pour qu’ils puissent profiter de la prévoyance de son gouvernement.
Ce n’est pas là une situation facile pour les frères ; la paix ne tient qu’à un fil. Et un jour, ce fil rompt : Jacob, le patriarche, meurt.
Panique à bord ! La vieille culpabilité remonte à la surface. Les frères craignent l’application de la loi du talion, l’application de la vengeance, qui exige réparation pour des actes mauvais. Ils savent que le jour vient où les actes rattrapent leurs auteurs et exigent qu’on rende des comptes. Ils craignent d’être entraînés dans le cercle infernal du méfait et de la vengeance. « Si Joseph nous prenait en haine et nous rendait tout le mal que nous lui avons fait ! » (v. 15)
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Ils sont tellement pris de panique, qu’au début ils n’osent même pas paraître devant Joseph en personne. Non ils lui envoient des émissaires qui doivent implorer sa grâce et son pardon ! Peut-être que, jusque-là, les frères n’ont toujours pas vraiment regretté leur crime d’antan.
Maintenant il y va de leur vie. Il faut qu’ils s’en sortent, même s’il leur faut passer par une humiliante demande de pardon, une façon de capituler.
Ils avancent un argument de taille : ils rappellent leur foi commune au « Dieu de leur père » (v. 17). Ils essayent ainsi de lier Joseph à eux par des liens plus forts encore que les liens du sang : les liens de leur foi commune, bref, leurs liens communs avec Dieu. L’humain ne leur semble plus suffire dans leur situation : ils font appel au divin.
La réaction de Joseph est vive : la démarche de ses frères le fait pleurer. « Joseph pleura à l’écoute de leur message. » (v. 17)
Il indique par là son état d’esprit : il a pardonné. Cela encourage ses frères. Ils viennent en personne se présenter devant lui. Ils sont prêts, maintenant à porter les conséquences du pardon, aussi les conséquences négatives. « Ses frères vinrent […] se jeter à ses pieds et dirent : "Nous sommes tes serviteurs !" » (v. 18), à l’époque, cela voulait dire : tes esclaves !
Leur crime les retient d’en appeler à ses sentiments de frère : N’ont-ils pas eux-mêmes brisés ces liens fraternels autrefois ? Aussi s’adressent-ils au Grand d’Egypte et non à leur frère. Ils ont atteint le fond du chemin du pardon et de la réparation.
Et là vient le dernier grand tournant de l’histoire, aussi le plus important.
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Joseph répond avec une salutation qui introduit généralement une bonne nouvelle, même une nouvelle salutaire, libératoire : « N’ayez pas peur ! » (v. 19)
Et il continue avec cette parole surprenante, mais une parole qui pourrait servir d’exemple pour n’importe quelle réconciliation au sein d’une fratrie ou entre partenaires de quelque nature que ce soit : « Suis-je en effet à la place de Dieu ? » (v. 19)
Voilà comment parle celui qui détient tous les pouvoirs, qui pourrait leur dicter n’importe quelles conditions. Il est en position de force et pourrait obtenir n’importe quel dédommagement.
Mais il ne le fait pas. Il s’approche d’eux les bras ouverts. Malgré leur crime, il leur tend la main de la réconciliation, le seul chemin d’une véritable réparation.
Joseph va même plus loin. Plus tard, Jésus nous apprendra à dire à la fin du Notre Père : « Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire ! » (Mt 6.13) Joseph reconnaît que, dans sa vie, cela a été le cas, aussi chaotique et douloureuse qu’elle ait pu être à certaines occasions.
Joseph se place en retrait derrière Dieu qui n’a pas cessé de tenir les rênes de son existence. Il dit à ses frères : « Vous aviez projeté de me faire du mal, Dieu l’a changé en bien ». – Dans quel but ? – Cela aussi, Joseph l’explique : « Pour accomplir ce qui arrive aujourd’hui, pour sauver la vie à un peuple nombreux. » (v. 20)
C’est dans cette perspective qu’il faut voir et comprendre toute l’histoire de Joseph : dans la perspective de la volonté de Dieu de sauveur, de ce Dieu qui poursuit aussi le bien dans les mauvaises passes.
A travers ce seul, à travers ce Joseph rejeté, « sacrifié », Dieu a pu venir en aide à beaucoup de gens ; c’est ainsi qu’il a pu « sauver la vie à un peuple nombreux. »
Ce n’est, là, rien d’autre que la bonne nouvelle de la grâce de Dieu et de sa volonté de nous venir en aide.
Dieu ne s’est pas seulement occupé de Joseph que l’on a traité de façon criminelle, Dieu s’est même occupé des auteurs de cet acte criminel. Alors « qu’ils étaient encore dans le péché », Dieu a déjà pris des initiatives pour amener leur salut.
C’est ainsi qu’il est, notre Dieu. C’est lui qui se tient au centre de l’histoire de Joseph et de ses frères. Oh ! il n’est pas à l’origine du mal commis par les frères ; il ne les a pas poussés à commettre ce crime. Il ne justifie pas leur péché. Mais il intervient pour « changer en bien » ce que les hommes ont bien mal enclenché.
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Dieu est là, présent, dans nos vies. Il agit derrière les agissements des humains.
Certes, ses chemins pour nous mener au salut sont souvent cachés sous le mal et l’injustice dans ce monde. Mais par-delà ce mal, et en dépit de ce mal, il veut nous faire bénéficier de son pardon et de son service.
Aujourd’hui, c’est nous, les frères de Joseph. Je veux dire que l’histoire de Joseph nous exhorte à aller à la rencontre les uns des autres pour pardonner, nous réconcilier et nous aimer. C’est ainsi qu’est brisé le pouvoir du péché ; c’est ainsi que le Royaume de grâce se réalise.
« Vous savez, » a dit Jésus un jour dans un contexte où certains avaient semé la zizanie par orgueil, par l’envoie d’occuper une place supérieure à celles des autres, « vous savez que les chefs des nations dominent sur elles et que les grands les tiennent sous leur pouvoir. Ce ne sera pas le cas au milieu de vous, mais si quelqu’un veut être grand parmi vous, il sera votre serviteur ; et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup. » (Mt 20.25-28)
N’oublions jamais : nous sommes frères et sœurs parce que Jésus nous a sauvés et a fait de nous des enfants de Dieu … par pure grâce.
Nous avons été « baptisés en Jésus-Christ, en sa mort » (Rm 6.3), nous avons été intimement unis à son expiation de nos péchés. Il s’agit maintenant de « vivre avec lui », de « mener une vie nouvelle » (Rm 6.8+4) ; nous sommes maintenant invités à le suivre dans une vie de service.
Nous ne sommes pas seulement frères et sœurs, nous sommes aussi serviteurs. Ce n’est que comme serviteurs, en nous assistant, conseillant et aidant à vivre, que nous montrons que nous sommes de vrais frères et sœurs !
Amen.
Jean Thiébaut Haessig     

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